Pour être franc, je n’avais pas plus envie que ça de pondre une
critique sur ce Bohemian Rhapsody,
même si je me suis bien marré en le regardant (ce qui, compte tenu des
intentions des commanditaires de ce film, ne doit pas vraiment être le but
recherché). Et finalement, je me suis dit que les Oscars approchaient, et qu’il
fallait tout de même faire quelque chose, car si par miracle un des membres de
la dite académie pouvait tomber sur ces quelques lignes et ne pas commettre l’irréparable…
bon, on peut toujours rêver. Un peu comme la bande de branquignols qui a eu la
bonne idée de pondre ce navet. Ça leur réussit plutôt bien (à quand la suite ?).
La prothèse ne fait pas le
Mercury
Pour démarrer, rappelons deux trois trucs de base sur le cinéma, et
sur les biopics en particulier. Quand on décide de se lancer dans l’aventure,
il y a deux moyens de donner vie au personnage : soit on la joue sosie,
soit on prend des libertés (cf. I’m not
There), ce qui s’avère bien souvent un choix judicieux, car il oblige les
scénaristes / metteurs en scène à telle
orientation. Et là, soyons sérieux deux minutes, prenons une photographie de
Freddy Mercury, et je veux dire, de Freddy Mercury en train de siroter un
verre, prendre un rail ou avoir juste une conversation normale, pas une image
de lui en concert désarticulé dans son plus bel apparat, et comparons-la
objectivement avec un cliché de Rami Malek. Mise à part cette immonde prothèse
qui le pousse à débiter d’une manière encore plus catastrophique qu’à l’ordinaire
son texte, le lascar ressemble autant à Mick Jagger qu’à Freddy Mercury. Et
quand je vois que le même gus récolte un BAFTA et se voit nommé aux Oscars, il
y a réellement de quoi douter des critères de nomination (ah mais non, en
fait, biopic = nomination). Franchement, autant demander à Daniel Day-Lewis de
le jouer, quitte à le grimer. On aura au moins le spécialiste de la situation.
Et je suis désolé, mais on ne va pas commencer à louer le travail d’un acteur qui
se contente de singer l’artiste dans ses postures les plus iconiques, attifé
des mêmes costumes, le tout filmé de loin. N’importe quel aspirant ramassé à la
sortie d’un cours de mime peut en faire autant. Ajoutons à cela que le type ne
sait ni jouer du piano, ni chanter, et qu’il remercie bien volontiers les
monteurs de lui donner l’illusion d’incarner Freddy Mercury, et on frôle déjà
le summum.
Menu Best Of
Ce souci de faire à tout prix coller physiquement l’acteur au
personnage découle directement de la philosophie de ce genre de biopic :
il est conçu avant tout comme un bon gros produit. A croire que les best of, les tournées du groupe, les
divers tribute, les royalties à gogo
(gaga ?), ne suffisent pas aux ayants droits. Non. Et plutôt que d’assumer
une énième compil’ anniversaire, ils ont eu la bonne idée d’emballer ça dans un
film. Et quelle compil’ ! Sérieusement, en 2018, on est encore à célébrer
les « tubes » de Queen ?
Faudrait surtout pas donner envie au public de dénicher un album du groupe en
vide-grenier, non, ce qui compte, c’est qu’il se précipite sur I Tunes pour y
choper le tout nouveau best of. Avec des
titres comme… I Want to break free ?
(le sentiment qu’on éprouve pendant la totalité du film). Alors, oui, ils nous
ont sorti deux trois inédits de derrière les fagots, et quelques versions live. Une belle manière de souligner le
manque d’ambition sidérant du film qui se contente de nous condenser en un peu
plus de deux heures la page Wikipedia
du groupe, avec le recul d’un élève de seconde préparant un exposé pour son
cours de LV1. Rappelons donc une autre règle, valable pour ce genre de film :
il faut prendre un parti, un angle, aller quelque part. Dans le cas contraire,
c’est vraiment prendre les gens pour des pompes à fric et des fainéants. Et si t’as
besoin du film pour apprendre que Freddy Mercury ne s’appelle pas vraiment ni Freddy
ni Mercury, qu’il a été marié à une femme (han ! il est homosexuel, comment
c’est possible !), et qu’il avait une grande maison bien meublée, c’est
que t’as peut-être besoin de te sortir les doigts d’où tu sais. Je pense qu’en contrepartie,
ça leur fait une belle jambe aux fans.
Alors ça, pour nous balancer à intervalle régulier l’extrait d’un tube, dont le
processus créatif tel qu’il est mis à l’écran laisse penser que Queen, c’est quand même des génies
absolus, qui n’ont absolument pas besoin de travailler, et qui pondent des hits sur commande, c’est balèze. Pour
ceux qui pensaient entrer dans les arcanes de la création, dans les tourments,
les affres de Mercury. Nenni. Ici, on arrive en studio, on claque des mains, et
boum : un tube. Peut-être que ce sont des scènes basées sur de vraies anecdotes, je ne suis pas assez
dans le secret pour en juger, mais on omet sacrément qu’à côté, les mecs
pondent des albums, explorent des territoires musicaux assez inédits, et que
ça, ça a dû demander du taf. Et surtout qu’il y a matière à faire un film. Aller
explorer ce qui se cache derrière l’univers du leader de Queen. A titre d’exemple, un
morceau comme Bohemian Rhapsody,
pourtant fer de lance du film, est traité sous un angle on ne peut plus
consensuel. Alors qu’on tente de nous le vendre comme la chanson qui sort des
formats mais qui fera tout de même un tube, on se contente, en réalité, de nous
montrer une session studio durant laquelle Mercury fait pousser la note aux
autres membres du groupe. Comme si le secret de cette chanson, c’était ça. Et
rien d’autre. Le propos seul de cette chanson pouvait fournir un fil directeur
pour le film.
Tous en scène !
Je vous épargne (car j’espère que si vous lisez ces lignes, vous aurez
compris que feriez tout aussi bien de vous lancer un diaporama du groupe et un
medley des plus grands morceaux) les clichés à la pelle, Freddy fait la fête,
Freddy drague un mec, Freddy a mal à la tête (- et si on mettait du flou pour
montrer qu’il a mal à la tête ? – ouais, super idée), une mise en scène
qui se pense inventive et clinquante, mais qui pue le conformisme. Et ne venez
pas me parler de la scène finale : wow ! les mecs, donc, ils filment,
en moins bien, un concert qui a déjà eu lieu, avec un faux Mercury qui fait du
playback, un faux backband, un faux
public ? Sinon, on prend ses petits doigts, on cherche sur Youtube « Queen
Live Aid », on pousse les watts et on y est. C’est toujours plus agréable
que de voir l’autre guignol se sent pousser des ailes (clairement, Rami Malek,
après trois épisodes de Mr Robot, j’avais
déjà envie de voir son personnage mourir à l’écran). Désolé, mais quand on se lance dans ce genre de séquence, on a intérêt d'en avoir sous le coude, et laisser un peu parler sa virtuosité.
Réellement, la hype autour
de ce film m’épate tant c'est une purge sans fond, sans fin. Il ne faudrait peut-être pas confondre l’amour qu’on peut porter au
groupe, à sa musique, et qualité cinématographique. Ce film
est tourné avec les pieds, mal interprété, monté comme un long clip
promotionnel, dénué d’envergure et de vision. Inutile d’en savoir plus sur les
différends qui ont pu conduire Bryan Singer à quitter le navire: je préfère
me dire qu’il a pressenti qu’il aurait un mauvais film de plus à son actif.
Si vous voulez mon avis... il était top le live à Wembley.
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